vendredi 30 avril 2010

Retour d'Equateur, pour la culture Shuar avec Heaven on Earth et la galerie Nicole Gogat

Allez y vite, c'est aujourd'hui et demain à la Galerie Nicole Gogat 11 rue Pasteur à Aigues-Mortes.
Les Shuar vivent en Equateur. Ils veulent préserver et faire connaître leur culture traditionnelle. Avec l'association Heaven on Earth ils ont noué partenariat, complicité et amitié.
Marie et ses amis ont passé un mois avec eux en août dernier, un mois de découverte, de partage et d'initiation qui a tissé des liens indéfectibles.
Leurs photos sont magnifiques, belles, émouvantes et chaleureuses. Ils les montrent pour faire partager leur enthousiasme et ils les vendent pour soutenir le projet de valorisation mené avec leurs amis Shuar.
Pour en savoir plus, pour les suivre et voir un peu de ce qu'ils ont vu, allez aussi voir leur blog et leurs albums.

dimanche 18 avril 2010

Jacqueline Denimal, photographe d'Aigues-Mortes et de la Camargue, à l'ancienne

Jacqueline Denimal a un don, elle sait regarder. Elle sait choisir la lumière, cadrer son sujet, se mettre au bon endroit. Elle a l'oeil. Et ses photos sont magnifiques. Pour s'en faire une idée il faut feuilleter ses albums sur le marché d'Aigues-Mortes, le mercredi ou le dimanche matin, et prendre le temps d'aller d'émerveillement en émerveillement.
Toute la Camargue est là : les taureaux, les gazes, les arrivées, la cité et ses remparts, l'Espiguette, la Carbonnière, les marais, les couchers de soleil, les longues ombres des roseaux, la magie de la neige, le parfait miroir des reflets. Elle sait capter aussi bien l'instant du mouvement que l'éternité du paysage.

Rien ne la prédestinait à devenir photographe. Elle avait toujours rêvé d'être peintre ou styliste. Il y a une dizaine d'années, avec son premier appareil photo elle part à l'aventure, l'oeil en éveil. Et ses photos sont belles, d'emblée.

Alors que le numérique fait déjà de nombreux adeptes, elle ne connaît que l'argentique. Elle n'a donc pas droit à l'erreur. Pour elle, pas question d'enclencher le mode rafale dès que les taureaux arrivent. Chaque prise est calculée car chaque photo sera tirée en laboratoire. Cela donne des photos d'anthologie comme cette Porte de la Marine dans laquelle tourne la bandido : beaucoup ont essayé de faire cette photo mais la sienne est parfaite, d'ailleurs elle a fait le tour du monde : ses tirages ont été achetés par des amateurs venus d'Angleterre, de Los Angeles, de Tahiti, de Marrakech. Chaque année Jacqueline se replace en arrière de la porte, elle calcule le jour, le soleil, la poussière, elle prépare son appareil : "je regarde le cheval et le taureau, pas le cavalier ; ce serait le Président de la République, je ne le verrais pas plus."

Chaque année aussi elle se régale à photographier les gazes, à Franquevaux où elle a pris un autre cliché légendaire, à Mauguio, à Lansargues, dans tous les villages où on aime voir nager les taureaux.
De temps en temps quand la lumière est belle, elle part photographier un paysage qu'elle connaît. Elle sait exactement comment elle veut se placer, elle prend deux ou trois clichés, rarement plus. Ses photos ne sont jamais retouchées.

Depuis 1999 où elle a reçu le prix de la ville d'Aigues-Mortes, elle a obtenu cinq prix dont en 2001 le Prix Midi Libre pour sa photo des remparts se reflétant sur l'eau, et en 2007 un prix au festival taurin de Saint Genies de Malgoire pour un reflet de taureaux dans les prés.
Elle travaille avec deux appareils pour la couleur et un pour le noir et blanc et propose des tirages en 10x15, 13x19, 20x30, et sur commande en 30x45 et 50x60. 
Avec courage et ténacité elle vit de ses photos. André Rancurel l'a encouragée à ses débuts et continue à être l'un des ses fidèles admirateurs, Claude Morello aussi. Pour Regards d'Aigues-Mortes, elle est photographe invitée permanente et son regard est unique.

samedi 10 avril 2010

Photos de printemps sur le Petit Rhône avec chants d'oiseaux et Parc de Camargue

C'est au bord de la prairie fleurie du Château d'Avignon que nous retrouvons Frédéric, le guide naturaliste du Parc de Camargue. En évoquant avec gourmandise le triangle d'or de la biodiversité, entre Camargue, Alpilles et Crau, 3 écosystèmes totalement différenciés, il nous fait déjà lever la tête vers le mouettes mélanocéphales qui s'appellent au-dessus des arbres du parc : plus grandes et plus rares que les mouettes rieuses, leur tête devient également noire en été. Le soleil commence à chauffer pour cette deuxième vraie journée de printemps.

Vue générale, Frédéric survole le temps et l'espace : la rive nord de la Méditerranée, bordée de formations montagneuses de Gibraltar à Jérusalem, s'ouvre vers le nord avec un axe principal de communication, la vallée du Rhône. D'où, au Moyen-Age, l'importance des foires de Beaucaire où sur plusieurs centaines d'hectares et durant plusieurs mois s'échangeaient les marchandises du nord comme du sud.

La Camargue et la Crau sont un territoire jeune, 10.000 ans environ, formé par les alluvions du Rhône qui avait autrefois 7 bras, et de la Durance qui était un fleuve indépendant. A cette époque Arles devait être une île sur sa colline de calcaire. A la suite des derniers changements de cours du Rhône au 19° siècle, une partie du département du Gard au nord de Tarascon s'est retrouvée à l'est du Rhône, une partie du département des Bouches du Rhône au sud de Sylveréal s'est retrouvée à l'Ouest du petit Rhône, et la Crau n'a plus été lavée par les eaux : une croûte minérale s'est formée, résistante aux racines des arbres, et la plaine est devenue steppe. 
Le cordon littoral qui ferme la Camargue est mouvant : c'est au Grau de la dent, là où l'ancien lit principal du Rhône a creusé un "canyon" vers le large, que la mer avance le plus alors qu'à l'Espiguette la plage s'agrandit de 4 mètres par an.
La moitié de la superficie des Bouches du Rhône est classée en zone Natura 2000, protection européenne.

La mission de Frédéric aujourd'hui, est de nous faire mieux connaître la ripisylve du Rhône, autrement dit la vie des berges boisées. Il nous amène vers le mas de Baumelles où, occupés à trouver le chemin, nous manquons un circaète Jean-le-Blanc.

Arrivés sur la digue, un tapis d'asphodèles de Camargue (on cherche le vrai nom) nous fascine alors que retentit, comme un couteau, le cri bref du martin-pêcheur, et depuis la rive opposée, le "u-pu-pe" de la huppe fasciée. Les notes stridentes de la mésange charbonnière nous accompagnent le long  des tapis d'euphorbes et des peupliers blancs, entrecoupées de celles de la bouscarle de Cetti, très difficile à voir mais que nous entendrons souvent. D'où vient ce nom étrange, bouscarle de Cetti ? Le Larousse donne la réponse : la bouscarle est une "fauvette du bord des eaux, des régions méditerranéennes" et M.Cetti a bien existé, Francesco Cetti (1726-1778) mathématicien italien, naturaliste et auteur, a donné son nom a notre bouscarle qui, dans les années 1900, était confinée aux régions de climat méditerranéen, mais, depuis, s'est répandue vers le nord et a même été remarquée en Suède. Elle vit dans les marais, les buissons près des roselières, dans la végétation dense avec ronces et tamaris ainsi qu'à la lisière des champs de blés.  
  Les rainettes arboricoles (tree frog en anglais) s'en donnent à coeur joie et, belle surprise pour ce tout début de saison, les rossignols sont là, avec leurs longues trilles.

Autrefois des carrelets étaient installés au fil de l'eau et les habitants des Saintes pêchaient souvent plus de poisson dans le Rhône qu'en mer. Quelques pontons subsistent, parfois ensevelis sous les arbres déracinés ; une cabane se dissimule sous les branches, où le lustre et la boîte à sel parlent de l'hospitalité du cabanier.

Plus loin au bas de la digue, un sentier s'enfonce dans les roseaux, au ras de l'eau, chemin de cannes sous lesquelles nous cheminons un moment, parsemé d'aubépines. 


Les frênes ont leur pleine feuille alors que les ormes portent encore leurs chatons. 
Un milan noir plane longuement au-dessus de notre pique-nique. Quand il s'éloigne, son cri, porté par le mistral qui se lève, fait un peu penser à un hennissement, surprenant non ?

De l'autre côté de la digue des aigrettes et des garde-boeufs pêchent dans la roubine qui borde les champs de blé d'hiver au-delà duquel quelques perdrix s'envolent. Un grand oiseau bat lentement des ailes, cigogne ou héron ? Non, c'est bien un héron cendré, bien qu'en ce moment les cigognes nichent aussi dans la région.
Après une station de pompage désaffectée nous empruntons la petite route d'Astoin, marquée d'une croix montée sur un pilier de marbre sculpté d'une croix plus ancienne. 

La chaleur devient estivale. Les pousses des roseaux percent dans les roubines, les chevaux en raffolent. Sur un tamaris dont les bourgeons éclosent à peine, le plus ornithologue d'entre nous repère un rouge-queue.

La digue est plus fraîche et dans les creux d'ombre la brise se fait légère. Dans les arbres, les rainettes arboricoles sont montées si haut qu'on dirait des oiseaux.


* Les liens renvoient vers une fiche descriptive sur le site oiseaux.net : on peut y écouter le chant de chaque oiseau.
Photos de ce billet : ©Isabelle Secretan (1, 2, 3, 4, 5, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13) ; ©Alain Vielle (6, 14).
Pour voir l'album d'Isabelle, cliquer ici
Pour voir l'album d'Alain, cliquer ici
Voir aussi :
  • le site du Cogard (Comité ornithologique du Gard) ;
  • les photos d'oiseaux de Jean-Pierre Trouillas ;
  • dans Grain de Sable, la revue de l'association J'Aime Aigues-Mortes de mars 2010 l'excellent article et les photos de Francis Pellissier, "Aigues-Mortes à vol d'oiseau".

jeudi 1 avril 2010

Merci à Maguelone, aux pêcheurs du Grau et au Jacques-Marie II

Trois jours après le passage à l'heure d'été, 24 heures après la pluie, l'air était clair, la température douce et la lumière parfaite. Au retour des bateaux, l'activité du port de pêche du Grau battait son plein. Nous avions rendez-vous avec les amis de Maguelone, l'équipage du Jacques-Marie II qui est rentré parmi les derniers, avec sa puissante étrave griffée de blanc, pour aller décharger et faire le plein de fuel au fond du port. 




Nous les avons assaillis comme des gabians, ceux du Jacques-Marie et ceux du Juliarth, leur voisin d'amarrage, alors qu'ils rinçaient une dernière fois les caissettes de poisson avant de les superposer, de les entourer d'un film plastique et de les faire partir sur le transpalette, à reculons sur le quai mouvant.




Un autre équipier chargé de l'entretien vérifiait le poste de pilotage, l'antenne et mille autres détails qui nous ont échappé. Un autre encore achevait de nettoyer des prises sur le pont. 



Avec gentillesse et simplicité, après 14 heures passées en mer, ils ont accepté de nous voir papillonner autour d'eux. Une fois le poisson sorti et le bateau amarré à son emplacement, Jean-Louis nous a même fait les honneurs du bord. Nous avons franchi la mystérieuse petite porte de côté qui donne sur l'espace couvert entre le pont arrière et l'intérieur. 

Les filets gouttaient dans le contre-jour, l'arrière des chalutiers amarrés devant le chantier se dorait au soleil. Après avoir enjambé le haut bordé (il y a un nom pour ça) qui protège l'entrée des paquets de mer, nous avons pu voir le carré, simple et fonctionnel, le poste de repos où deux équipiers peuvent récupérer, le poste de pilotage, digne d'une cabine d'avion, et le grand pont arrière où sont remontés les filets, trois fois par sortie. Autrefois c'étaient des bateaux boeuf qui de part et d'autre du chalutier, maintenaient le filet ouvert. Aujourd'hui ce sont les deux grands panneaux de métal fixés à l'arrière.
L'essentiel de la prise est du merlan et 70% est exporté, essentiellement vers l'Italie et l'Espagne où les familles consomment deux fois plus de poisson qu'en France. Le Grau du Roi est le deuxième port de pêche de la Méditerranée, juste après Sète, quelquefois devant. 
Quatre équipiers embarquent sur le Jacques-Marie chaque jour de semaine à 3 heures du matin. Un cinquième reste à terre, le filetier, pour réparer les filets et s'occuper de l'entretien. Jacques, c'est le nom du patron, dont les fils ont repris le bateau, et Marie c'est pour son épouse Jeanne-Marie. La famille est au Grau depuis 1850, c'est la cinquième génération de pêcheurs. Pour que ça continue, il faut manger du poisson de Méditerranée, voilà quelques recettes avec des informations sur les espèces et sur la pêche.


Sur le Juliarth, Jérémy est le benjamin. Pour lui la plus belle vue, c'est depuis le dessus du poste de pilotage où il grimpe comme un acrobate. 


Ils sont partis un à un, s'excusant presque de rentrer pour une courte nuit avant de se relever à 2 heures. Nous nous sommes attardés dans la lumière dorée, avec le patron épris de photo et de voyages, qui fait partie de la génération qui a commencé avec la sonde à main et fini avec l'ordinateur de bord. 
C'est un grand cadeau que nous ont fait Maguelone, le Jacques-Marie, et Jérémy. Des étoiles pour longtemps.